
Nom du blog :
coeurdhome
Description du blog :
Quand le destin pousse deux êtres à se retrouver au delà des frontières de la raison.
Catégorie :
Blog Littérature
Date de création :
07.04.2012
Dernière mise à jour :
02.12.2025
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bonjour. merci. j'adore ce que vous écrivez : votre style, la romance, la douleur, les paysages. j'ai vécue un
Par Nathalie, le 01.12.2025
La nuit allait tomber sur cette zone de la vallée du Draa, le soleil qui à l'horizon se couchait, donnait aux dunes, en cet instant de la journée, leur couleur si particulière.
Sous son chèche noir, la peau cuivrée par les attaques du soleil et des vents de sables, perdu dans ses pensées, les yeux perdu sur un horizon que nul autre que lui pouvait voir, il avançait au rythme du dromadaire qui le portait.
L'heure du bivouac était arrivée, et demain matin il sera parvenu à destination.
Le dromadaire couché le protégeait de la légère brise; une couverture au sol et une autre tendue entre deux piquets et la selle de l'animal, suffisaient pour qu'il passe la nuit relativement bien abrité.
Le feu qu'il alimentait avec parcimonie, chauffait l'eau du thé qui sera ce soir comme souvent,son seul repas.
Au loin les premières étoiles piquaient déjà le ciel, et le froid qui commençait à se faire sentir réveillait les brûlures de ces cicatrices.
Le sommeil prendra encore certainement le dessus, mais là aussi comme chaque nuit depuis qu'il était revenu à la vie, dés que son activité cessait, il ne pouvait empêcher son esprit tourmenté de s'évader vers un pays que pour elle il avait délibérément quitté.
.
De l'autre côté de la méditerranée, quelque part en France il avait laissé une partie de lui, si ce n'est l'essentiel.
Comme une histoire inachevée dans laquelle la vie serait brutalement intervenue, il lui avait dû s'amputer des liens que malgré lui son coeur avait tissés dans un amour secret.
Depuis ce jour et malgré lui, là encore, son coeur ne cessait de lui rappeler qu'il battait encore et toujours pour elle.
La nuit, alors que le sommeil le gagnait, ce coeur rebelle d'Aimer, fugueur, ne cessait au delà de toutes raisons de s'évader pour franchir la mer et tenter de la retrouver.
Et à chaque fois dans ces instants, avant que la fatigue ne l'emporte, ses sens endormis, mirage de la nuit, voyaient surgir les lignes de son visage.
Le cri sourd de son coeur n'avait rien à envier à celui du fennec qui au fond
de la nuit lançait hurlait à la lune : et il en avait mal.
De l'autre côté de la méditerranée, au même instant encore dans son jardin,
après avoir ramassé le linge qui avait séché, Anna qui venait d'entendre
passer une moto dans sa rue s'était un instant figée, tendue, le coeur
battant en écoutant s’éloigner le bruit du moteur.
A chaque fois une vaine émotion l'envahissait lorsqu’il lui semblait qu'une
moto approchait, malgré que plusieurs années se soient écoulées depuis
l'histoire secrète qu'elle conservait dans son coeur.
Toute à la fois rassurée de ne rien voir surgir e un peu déçue, le regard posé
sur la lune qui éclairait cette nuit étoilée, du fond de ses pensées cette fois
encore, la même question envahissait ses pensées : qu’avait-il pu devenir ?
Réminiscence d’ une histoire passée, non pas oubliée, mais si loin et
complètement isolée de sa vie. Un vieux souvenir rangé comme une photo
que l'on a parfois de la peine à regarder ; il fait partie de sa vie mais n'est
plus sa vie.
Depuis elle s'est consacrée avec réussite au bonheur de sa famille. Il avait
eu raison, il suffit parfois de peu pour qu’une situation change : ce que l'on
sait donner nous revient en juste retour. Sa vie, son foyer était donc
aujourd’hui presque conforme à ce qu'elle en avait espéré.
.
Il arrive pourtant qu'en bougeant les livres des souvenirs, tombe la photo si
bien rangée et qu'à nouveau le regard passe dessus, s'y pose et finisse par
s'y attarder.
Dans le quartier un chien hurlait à la mort.
Le regard toujours fixé sur la lune, Ana ne pouvait s'empêcher de penser au
chèche blanc qui était resté au même endroit depuis qu'elle l'avait rangé. Ce
soir plus particulièrement, elle ressentait le besoin de le sortir de sa pile de
linge, l’envie de retrouver son odeur.
A chaque fois qu'elle pensait à Marc, Anna ne pouvait l'ignorer, les
battements de son coeur s'accéléraient.
Est-ce cette moto qui l'a perturbée ? est-ce cette lune si lumineuse ce soir ?
Avant de s'endormir Anna constate que ses pensées restent pour la première
fois depuis longtemps dirigées vers lui. Peut-être espère-t-elle, le
retrouvera-t-elle dans ses rêves. Avant de fermer les yeux, elle se promet
que demain elle sortira le chèche de sa pile de linge.
Loin d'être paisible, sa nuit est bousculée par un rêve où se mêlent les
souvenirs d'une journée de stage et ceux d'un accident, et au réveil c'est un
peu honteuse qu'elle ouvre les yeux.
Honteuse d'avoir revécu leurs étreintes, gênée de s'être laissée allée dans
les bras d'un autre homme, et qu'à son réveil son corps soit témoin du
plaisir que cette nuit lui a procuré.
Pourtant elle ne porte en elle aucun remord de ce qu'ils ont vécu ensemble,
heureusement même qu'ils avaient pu le vivre un peu, la vie avait été si
brusque.
Aucun remord, et au fond elle le savait, le regret de n'avoir pu le vivre
mieux.
Elle se sait en contradiction permanente avec elle-même : comment
admettre que l'on puisse se sentir bien dans son foyer et que par ailleurs
l'on ressente le besoin des bras d’un autre.
Elle sait que quelque chose dans sa vie ne sonne pas juste, mais elle ne
parvient pas à définir où.
A chaque fois qu'elle pense être satisfaite de sa vie, la réalité de son
absence, le manque de lui, remontent en elle.
Marc lui avait appris à oser sourire, à oser laisser sa main dans la sienne. Il
lui avait donné tout son amour alors même qu’elle se déprimait de sa vie de
couple.
Ce matin-là elle hésite longtemps avant d'ouvrir l'armoire de son secret,
essayant de se convaincre qu'elle ne devrait pas revenir en arrière, tentant
de calmer les battements de son coeur qui la poussent à tendre la main vers
cette pile de linge.
Mais cette irrésistible envie de se souvenir de lui, de se replonger dans leur
histoire, est cette fois devenue plus forte que sa résolution à vivre
simplement sa vie d'épouse et de mère.
Lorsque sa main se pose sur ce foulard, Anna tente de résister à la montée
des larmes qui cherchent à franchir la frontière de ses yeux.
Le chèche, la lettre, les chansons qu'ils partageaient ; après s'être promis de
les remettre à leur place pour de nouveau les oublier, c'est sous le délice de
la caresse que lui procurent les souvenirs enfouis, qu'elle se laisse glisser
entre chacun d'eux pour en revivre les instants marquants.
.
Vallée du Draa.
La nuit l'avait enveloppé de son manteau, le laissant dans un sommeil agité,
sur sur une part de sa vie perdue.
Il était ressorti sans trop de gravité de cet accident qui avait sonné le
tournant de son destin, mais plus douloureuse que les blessures physiques,
était celle qu'il s'était lui-même infligée: abandonner celle qu'il aimait,
contraignant son coeur mutilé à ne plus jamais battre pour elle.
L’activité quotidienne lui permettait de ne pas en ressentir les effets, mais la
nuit venue, dans son sommeil, ce coeur libéré se jouait de lui et le torturait
souvent.
Ce jeu de cache cache entre sa raison et son coeur finissait, au bout du
compte, par assécher sa joie de vivre, comme l’était l'oued de la plaine.
Marc avait toujours belle allure : avec dans le regard la fierté et la force du
sacrifice accompli, soulignée par son habituelle décontraction que venait
parfois compléter son sourire, mais l'essence même de la vie, petit à petit
s'échappait de lui.
Une vie qu'il acceptait de perdre pour ne pas en empoisonner une autre.
Bien sûr, entre les femmes de la région qui le désiraient comme époux, et
celles, touristes, qui espéraient de lui des nuits d'exotismes, il aurait pu
donner facilement trouver d'autres raisons d'exister, mais il n'était pas de ce
genre : homme à femmes, ou à noyer un chagrin dans n'importe quoi et par
dépit.
Même si au long de ses deux années on l'avait souvent traité de ridicule ou
d'homme d'un temps dépassé, il restait celui qu'il a toujours été, un être
humain guidé par le cœur, et tant que celui-ci donnait la direction, il le
suivait et continuerait de le suivre.
Pourtant ici, loin de celle qu’il avait aimée, il se demandait combien de temps
encore il allait pouvoir survivre à son absence.
Marc avait repris sa route avant même les premières lueurs de l'aube. Sous
lui le dromadaire avançait, imperturbable le regard hautain fixé sur l’horizon.
Marc adorait ce moment où le soleil levant chassait la nuit.
Il était attendu au prochain village de nomades.
Depuis son arrivée dans ce pays, il avait pris l'habitude de se déplacer de
village en campement, pour enseigner le français aux enfants et à tous ceux
qui le souhaitaient.
Depuis ce temps là, les communautés qu'il visitait l'avaient surnommé
Ousstaz : professeur dans leur dialecte.
Comme à chaque fois qu'il arrivait, hommes femmes et enfants fêtaient sa
venue ; on l'aidait à s'installer dans la demeure ou sous la tente qui servait
d'école.
Et ce jour là malgré la fête préparée en son honneur, c'est un véritable
drame qu'il vécut.
Comme partout, on déchargeait son dromadaire, et cette fois alors que les
enfants portaient comme un honneur ses affaires dans la tente où il
demeurerait, un de ses sacs est tombé sans que nul ne s'en aperçoive.
Ce n'est qu'après l'accueil traditionnel autour du thé qu'il a remarqué
l'absence de celui-ci.
Lorsqu'il est retourné le chercher, ce fut pour constater qu'une chèvre en
avait fait pour une part, son déjeuner.
Bon public, il aurait là aussi trouvé la situation drôle, car ce sac n'avait pas
grande valeur, pourtant une de ses poches contenait ce qu'il avait de plus
précieux.
.
.
France
Après avoir relu son unique lettre, le chèche posé sur son cou, les yeux
troublés par la brume des souvenirs, en se mordant la lèvre Anna réfléchit à
la décision qu'elle sent naître en elle.
Elle aimerait pouvoir lutter contre, mais aujourd’hui elle n’en a plus le désir,
c'est même l'inverse qui se produit: elle souhaite pouvoir retrouver Marc,
retrouver leurs échanges passés, leur complicité partagée.
Certaine de sa décision, elle se sent à la fois heureuse et coupable.
D'un coup sans savoir exactement pourquoi, elle balaye les efforts de ces
deux années passées pour ne plus penser à lui. Comme un ballon qui surgit
du fond de l'eau, les souvenirs et le besoin de savoir enfin ce qu'il est
devenu envahissent son esprit.
Elle ne pense pas à mal, ni a trahir tout ce que jusqu'à maintenant elle a su
construire, consolider, non! Mais elle ressent l'impérieuse envie de savoir s'il
va bien, l'impérieuse envie de donner un réel sens à sa vie.
Pourquoi maintenant ? elle n'en sait rien. Tout ce dont elle est certaine c'est
qu'au final, elle à toujours lutté contre ce besoin de le retrouver, se motivant
avec le fait qu'elle avait autre chose à construire : de plus sérieux, de plus
nécessaire pour l'équilibre de ceux qui l'entourent.
Mais elle le savait, son équilibre à elle passait aussi par lui, sans comprendre
pourquoi.
Elle osait se l'avouer maintenant, son absence avait été un manque qu'elle
avait comblé comme elle pouvait, et elle ne trouvait maintenant plus la force
de combler ce manque, les mots qu’il lui disait, l’éveil qu’il lui apportait,
l’attention qu’il lui prodiguait.
Sa décision est prise.
Sur la lettre figure une adresse mail, c'est le seul lien qu'il lui reste. Anna va
tenter par ce biais de retrouver sa trace, peut-être est-ce même lui qui va
répondre, à moins que deux ans après, il soit trop tard et que cette adresse
ne soit plus utilisée.
Le sourire aux lèvres, le coeur battant plus fort, elle se demande déjà ce
qu'elle va pouvoir écrire, si longtemps après s'être perdus de vue.
.
Vallée du Draa
Non! Pas ça !...
Le cri de Marc avait fait fuir la chèvre abandonnant le sac, mais il était trop
tard.
Si le sac en lui même n'avait pas grande importance, dans sa poche
extérieure Marc conservait son bien le plus précieux, la seule photo qu'il
possédait d’Anna.
Une photo prise au Bureau lors d’un repas en commun, et qu'il avait sur lui
lors de son séjour à Bordeaux. Par miracle elle n'avait été ni touchée ni
perdue lors de l'accident, et il avait su précieusement la conserver jusqu'à
présent.
Sur cette prise de vue Anna, sans poser, avait naturellement affiché ce
sourire qu'il trouvait si beau, et que la lumière de ses yeux l'illuminait encore
plus.
Il n'en restait maintenant plus rien. L'animal avait dévoré tout ce qui se
trouvait dans cette poche.
Les enfants ont vu Ousstaz tomber à genou serrant un poing sur son coeur,
ont vu des larmes mouiller ses yeux. Affolés, ils sont vite allés chercher la
femme du chef aux cris de: Ousstaz est tombé, Ousstaz a un malheur.
Ousstaz venait de définitivement perdre le dernier bien matériel qui
le reliait à Anna.
Pour la deuxième fois il ressentait comme un effroyable déchirement au
coeur.
La première fois s’était produite lorsque sur son lieu de convalescence il lui
avait écrit cette lettre dans laquelle il exprimait le contraire de son souhait,
sacrifiant son brûlant désir de la revoir pour qu'elle trouve mieux la paix de
son coeur et puisse avancer dans sa vie en l’oubliant, et maintenant alors
qu'il venait de perdre ce qu'il lui restait de plus précieux: la possibilité de
temps en temps de la regarder encore un peu. Même si les traits de son
visage étaient définitivement gravés dans sa mémoire, lorsqu'il sortait et
regardait cette photo, il avait un peu l'impression qu'elle était toute proche
tant elle rayonnait, tant il la trouvait si belle, et dans ces instants son coeur
s’enflammait à la regarder ainsi.
Souvent auprès du feu sous une pluie d'étoiles, devant une tasse de thé, en
regardant la photo, dans le bleu de son regard il lisait un peu de leur histoire
; il lui parlait dans son coeur, laissant au ciel le soin de lui porter tous les
mots qu'ils n'ont pas pu se dire. Si elle pouvait l’entendre, le ciel lui
chuchoterait qu’il l’aimait toujours.
Cette photo n'existait maintenant plus. Seule lui restait l'empreinte des
souvenirs . Pour Ousstaz la peine de cette perte était grande.
Au village où chacun avait compris la grande tristesse d'Ousstaz, ses amis
avaient essayé de lui rendre le sourire, en vain, et lorsque après une
semaineil est reparti, sa peine se lisait encore dans son regard.
.
Depuis son hublot, calée dans son fauteuil, en voyant approcher les côtes de
l'Afrique que bordait la méditerranée, Anna se remémorait le chemin et
l'attente de ces cinq derniers mois qui l'avaient conduite jusque dans cet
avion.
Après avoir pris sa décision, c’est le jour même et le coeur battant qu'elle
avait allumé son ordinateur et ouvert sa messagerie. Elle avait rédigé un
court message destiné à l’adresse qui figurait sur la lettre de Marc. Elle avait
écrit ces simples mots : "J'ai besoin de te voir, où es-tu ? signé Anna", rien
de plus. En fait elle n'avait rien écrit de plus pour cette première fois, juste
une tentative de contact.
Puis elle avait attendu une éventuelle réponse, le cœur battant à chaque fois
qu’elle consultait sa messagerie.
Ce n'est que deux semaines plus tard qu'enfin elle lui était parvenue.
Entre temps, c’est tous les jours, matins et soirs, qu’Anna avait surveillé sa
boite aux lettres, avait prêté attention au moindre passage d'une moto. Elle
attendait presque avec impatiente et s'était même rendu compte qu'elle
devenait irritable pour ses proches.
Puis, au bout de sept jours, le désespoir l'avait gagnée. Doucement elle
s’était faite à l'idée que depuis deux ans cette adresse n'était plus utilisée,
qu'elle avait trop attendu, qu'il était maintenant trop tard.
A l'émotion des premières attentes, c'est l'abattement et la tristesse qui
doucement avaient pris place en elle, mais comme une naufragée accrochée
à son épave, elle avait continué d’espérer.
Enfin, treize jours après son envoi, une réponse lui était parvenue.
Elle en sourit maintenant, mais lorsque le message de réponse est arrivée
dans sa messagerie, elle a longtemps hésité avant d'en lire le contenu, de
peur d'être déçue.
Mais elle avait fini par se décider à prendre connaissance de son contenu
après avoir tourné, viré dans sa maison, le sourire au coin des lèvres, le
coeur battant plus fort encore.
Et au final, bien qu'un peu déçue par son faible contenu, elle n'en avait pas
été moins ravie de la perspective que ce courriel offrait, il disait : "Votre
message a bien été reçu.
Adresse toujours active, vacation uniquement le vendredi.
Son propriétaire actuellement absent sera très heureux d'avoir de vos
nouvelles."
Cela signifiait que le contact existait bien encore, et que quelque part Marc
aussi devait peut-être attendre l'arrivée d'un message, puisqu’une vacation
avait lieu chaque vendredi.
"Actuellement absent et sera très heureux d'avoir de ses nouvelles"
Non ! elle était maintenant sûre d'avoir fait le bon choix, car lui aussi ne
l'avait pas oubliée, elle en avait la certitude, même si déjà elle se sentait
coupable vis-à-vis de ceux qui l'entouraient.
.
Les yeux fermés, la tête calée au fond de son fauteuil, un discret sourire sur
les lèvres, Annarevivait une fois de plus et toujours avec beaucoup de
plaisir, leur journée à Bordeaux.
Elle n'a eu de cesse de surveiller sa messagerie depuis qu’elle avait reçu
cette réponse inespérée.
Elle même avait juste répondu avec quelques mots : "Comment et où puis-je
te revoir ? J'en aivraiment besoin."
Elle n’avait rien oublié de ce qu’il avait essayé de lui apprendre pour éclairer
sa vie, ne serait-cequ’oser sourire sans complexe, oser laisser une main
prendre la sienne.
Un mois s'était écoulé avant qu'une nouvelle réponse lui parvienne, un mois
où jamais elle n'avaitperdu patience, heureuse qu'elle était de savoir que
quelque part se recréait un lien entre eux.
Elle était consciente qu’elle ignorait totalement où cela les mènerait, et elle
s’en fichait. Tout cequi comptait était finalement de savoir qu’il était encore
en vie, que peut-être elle retrouveraitson sourire posé sur elle, comme son
regard qu’il aimait laisser sombrer dans le bleu de ses yeux.
Oui peut-être...
.
Vallée du Draa.
Trois semaines que Bouchra cherchait comment joindre Ousstaz.
Il a toujours refusé de porter sur lui un téléphone portable, même à
batterie solaire.
Trois semaines durant lesquelles Bouchra a multiplié l'emploi de ce qui là,
méritait bien son nom, le téléphone Arabe.
Chaque caravane, chaque commerçant qui traversait la vallée avait eu son
message: "Si vous rencontrez Ousstaz, faites lui savoir qu'une colombe
messagère l'attend", et il avait attendu, sans pouvoir faire plus.
Il n'avait pas osé répondre au dernier message reçu, il savait que son
auteur devait attendre la réponse à la question demandée, mais jamais
Ousstaz ne lui avait dit que d'initiative il pourrait correspondre sur cette
adresse mail, et encore moins à sa place.
Pourtant il sait ce qu'il aurait pu répondre:
"Je suis parti, mais je reviendrai, je ne t'oublie pas. Je serais de retour dans
quelques temps"
Enfin, au cours de la quatrième semaine Bouchra a reçu d'un commerçant
la confirmation que le message était bien parvenu à Ousstaz et la précision
que celui-ci avait paru transfiguré à cette nouvelle, et qu'il devrait être là
au plus tard dans deux jours.
Dans l'avion.
Tirée de ses pensées par le pilote qui vient d'annoncer la proche descente
de l'avion, comme les autres passagers Anna attache sa ceinture de
sécurité. Elle sera avec ses amies bientôt arrivée à Marrakech.
Depuis longtemps, elle avait avec d'autres ce projet de voyage dans ce
pays, et le hasard du retournement de sa vie sur cette histoire passée lui a
donné une toute autre dimension.
Confiante, chaque jour elle avait veillé son courriel. Puis un nouveau
message était arrivé.
Il disait:
"J'ai trop de mal à croire que tu puisses chercher à prendre contact. Je
l'avais tant espéré puis fin avant de me faire à la raison que cela n'arriverai
jamais.
Et de lire tes mots :"Comment et où puis-je te revoir ? J'en ai vraiment
besoin."m'a un instant bouleversé.
Je suis vraiment heureux d'avoir de tes nouvelles.
Pour répondre à ta question: comment et où me voir, je crains que cela ne
soit pas facilement réalisable dans l’immédiat. Je suis trop loin de toi.
Il reste la possibilité que tu aies l'occasion de passer par le Maroc, pays où
je vis désormais, alors pourrons-nous brièvement nous revoir.
En attendant je n'ai que cette liaison internet que je ne peux utiliser qu'une
fois par jour dans le meilleur des cas.
Tu écris "j'en ai vraiment besoin".
Je ne cherche pas à déchiffrer au-delà de ce que je lis, j'ai peur de me
tromper, mais en parcourant ces mots j'ai eu l’impression que l'on venait
d'alimenter l'oued de la plaine de mon coeur, depuis longtemps asséché."
.
L'avion amorçait sa descente vers la piste d'atterrissage. En songeant qu'elle allait de nouveau se retrouver pas très loin de lui, les battements de son coeur s’accélérent.
Des images de leur nuit d'amour envahissent ses pensées. Son corps envahit par de chaudes sensations, frémit. Il lui semblait encore sentir sur sa peau la caresse de ses mains, la chaleur de sa bouche envahissant son intimité. Ses mains n’avaient jamais oublié les contours du corps qu'elle avait eu plaisir à parcourir dans la douche de sa petite chambre.
Malgré tout, c’est avec une pointe de culpabilité qu’Anna se demande si ici elle allait pouvoir le retrouver dans les mêmes conditions.
Quatre mois s'étaient écoulés après sa première réponse.
La première semaine l'échange de courriel avait été quotidien, puis, parce qu'il avait à gérer ce qu'il avait appelé ses rendez-vous de village, ils s’étaient limités à un courriel le week-end.
Marc lui avait raconté sa vie au Maroc, plus exactement dans le désert marocain, ce qu'il était devenu.
Bien que lui aussi ait exprimé son fort besoin de la revoir, il a tenté de lui montrer les risques que de telles retrouvailles allaient engendrer.
Mais d'une phrase Anna avait balayé ces craintes en lui disant:
"J'ai fait tout ce que je devais pour que ma vie soit la plus régulière possible, mais même si avec force j'ai tenté de l'ignorer, de l'étouffer depuis ton départ, il y a désormais en moi quelque chose de toi qui fait partie de ma vie, que je ne parviens plus à ignorer. Je sais maintenant que j’ai besoin de toi pour continuer d'exister, alors si tu l’acceptes je viens te rejoindre."
Alors que l'avion roule sur la piste, Anna se souvient avec un certain amusement mais non pas sans émotion, de cette première fois où ils ont franchi la barrière de leurs envies.
Depuis le temps qu'ils l'espéraient sans vraiment en parler, depuis le temps qu'ils avaient résisté à la force de leur attirance l’un pour l’autre.
Puis comme cela, sans trop prévenir, au détour d'un palier d'escaliers où ils se sont trouvés face à face, dans l'échange de quelques mots et de regards qui se cherchaient, dissimulant au mieux le battement de leurs coeurs qui s'attendaient, dans l'élan de leur corps ils se sont rejoints, unissant dans un bref instant leurs émotions qu'ils désiraient tant partager et libérer.
Oui, à y repenser elle en sourit encore : moment un peu brouillon, bref, mais à la fois délicieux et charnière de leur histoire.
Désormais dés cet instant, s'ils pouvaient encore en douter avant, ils savaient que leur envie de se rapprocher, que leur besoin du contact de l'autre, était partagé.
Puis un jour il lui avait dit qu’il l’aimait.
Ce simple mot dont l'impacte était toujours aussi fort sur elle, l'avait amené à faire le bilan de ses propres sentiments et de sa vie en générale.
Une vie qui n'était ni plus ni moins bien que celle de tant d'autres couples, mais elle en voyait maintenant mieux la couleur, et lorsque Marc était prés d'elle, tout prenait un ton différent.
Pour éviter que le cahot ne traverse sa vie de famille, Marc était parvenu à donner une distance suffisante à leurs sentiments.
Anna savait qu’il en avait souffert, mais il l’avait fait pour mieux la protéger de lui.
Jusqu'à cette fois où à Bordeaux leurs destins se sont rejoints avant de se perdre définitivement.
Et voilà qu’elle allait le retrouver, ils allaient de nouveau pouvoir se regarder.
La trouverait-il changée, vieillie ? Et lui, avait-il gardé des séquelles de son accident, comment était-il maintenant ? Avait-il conservé sa naturelle décontraction ? Se noierait-il encore au bleu de ses yeux ?
La dernière image qu'elle en avait, était ce moment ou motard dans cette chambre, les yeux rieurs il lui avait passé son chèche autour du cou. Depuisson départ elleleportait sur elle.
.
Anna arrivait au Maroc avec ses trois amies. Leur époux respectif avaient acceptés ce séjour thalasso d'une semaine, alors qu'eux même se rendaient à Dublin pour suivre le championnat de rugby.
Une fois les valises récupérées après les formalités de la douane, Anna ne pouvaient absolument pas contrôler l’espèce de trac qui l’envahissait, et plus encore lorsque ses battements de cœur se sont soudainement accélérés, quand à la sortie de l'aéroport dans la file des taxis ,elle a lu sur une pancarte brandie à l'intention des arrivants : Taxi Bouchra.
Elle était arrivée, et comme Marc lui avait indiqué dans un de ses messages: "A ton arrivée laisse-toi conduire jusqu'à votre hôtel par Bouchra et son taxi, c'est un compagnon", elle avait devant elle le premier lien physique réel qui allait lui permettre de le retrouver.
Vallée du Draa.
Son avion avait dû atterrir songeait Marc. Il allait peut-être la retrouver.
Après avoir tant rêvé d'elle, après l'avoir tant imaginée dans sa vie de tous les jours, voilà que d'ici quelques jours, quelques heures, ils allaient se revoir.
Son coeur cognait déjà très fort dans sa poitrine rien que de penser que quelques kilomètres seulement les séparaient. Battait très fort aussi car dans son dernier message, au risque de la voir de nouveau s'éloigner, il lui avait transmis une ultime recommandation:
"Réfléchis bien avant que tout bascule dans ta vie, bascule par "accident" ou même de ta volonté.
Tu as réussi durant tout ce temps à poser sur ta vie les bases de la stabilité et de la solidité d'un foyer où chacun sait qu'il peut compter sur l'autre, où chacun est un repaire fiable dans la vie de l'autre.
En me retrouvant tu va fragiliser tout cela, au risque même de le perdre définitivement.
Sois en pleinement consciente.
L'Amour, la tendresse, l'attention, sont des facteurs important dans une vie à deux, ils en sont même l'essence car aucun couple n'existe vraiment sans cela.
Mais es-tu vraiment prête à prendre le risque de perdre ce pour quoi tu as vécu jusqu'à maintenant ?
Es -u certaine que ce que l'on peut se donner l'un à l'autre, compensera ce que tu peux perdre ?
Auras-tu la force de l'assumer, avec moi à tes côtés, avec ces années qui nous séparent ? "
Il aurait pu se trouver à Marrakech à son arrivée, mais il avait préféré l'attendre ici, être jusqu'au dernier moment, certain qu'elle n'aura pas renoncé à cette rencontre. Et si elle n'a pas changé d'avis, Bouchra la conduira jusque là, demain lors d'un raid programmé.
Il essayait d'imaginer comment elle était.
Toujours aussi lumineuse, toujours aussi rayonnante ? Il l'avait toujours trouvé belle, cela en était devenu en leur temps, un sujet de plaisanterie, elle qui se complexait de son physique.
Pourtant, en plus elle était belle au-delà même de son apparence physique, et la dernière image qu'il en avait, était son visage rayonnant, quelques instants avant qu'il ne la quitte à Bordeaux.
Heureux au possible de ces retrouvailles qui allaient se produire demain, Marc n'en était pas moins inquiet : leur avenir à tous les deux risquait d’en être chamboulé.
Anna allait-elle se limiter après ce séjour au Maroc, à simplement poursuivre les échanges qu'ils venaient de rétablir par messagerie, donnant à son quotidien le goût de sa présence morale et le plaisir d'en attendre des nouvelles ? ou allait-elle décider d'orienter sa vie de couple vers quelques chose de plus radical ?
Peut-être même que cette rencontre suffirait à définitivement combler le manque qu'elle pensait avoir de lui, et effacerait définitivement son besoin de le retrouver .
Et lui comment allait-il supporter son retour ? Serait-il de nouveau assez fort pour accepter de ne plus la revoir ? Certainement, même s'il en devait encore en souffrir. Marc avait fait le choix de toujours faire abstraction de ses envies pour la protéger de lui.
Il l'Aimait toujours, ce qui induisait implicitement qu’il était prêt au sacrifice de son bonheur pour le sien.